ŒUVRES / WORKS
PLASTIC WALL
Ici, la matière est le motif. On a l’impression d’un sol blessé, craquelé, comme après une marée basse dans un monde artificiel. Les reliefs évoquent des plis terrestres, des déformations lentes — une géologie du plastique. On pourrait croire qu’il s’agit d’un paysage naturel... jusqu’à ce que l’œil s’accroche à la texture brillante, aux reflets synthétiques, à ce miroir falsifié du réel. On pourrait parler d’un paysage-archéologie, comme si l’on regardait les sédiments d’un monde en plastique, compacté par le temps et le regard.
C’est silencieux, mais ça raconte beaucoup de notre époque.
Ce qui rend cette œuvre si puissante, c’est cette tension entre illusion et lucidité. On est face à une scène qui pourrait être celle d’une nature fantomatique, d’un horizon post-naturel.
Ce n’est pas une imitation du vivant, c’est une métamorphose : le plastique ne cache plus, il remplace. Il devient sol, mur, relief, atmosphère.
Here, the material is the pattern. It feels like a wounded, cracked ground, like after a low tide in an artificial world. The reliefs evoke folds in the earth, slow deformations—a geology of plastic. One might think it is a natural landscape... until the eye catches the shiny texture, the synthetic reflections, this falsified mirror of reality. We could speak of a landscape-archaeology, as if we were looking at the sediments of a plastic world, compacted by time and the gaze. It's quiet, but it says a lot about our times. What makes this work so powerful is this tension between illusion and lucidity. We are faced with a scene that could be that of a ghostly nature, a post-natural horizon. It's not an imitation of the living, it's a metamorphosis: the plastic no longer conceals, it replaces. It becomes ground, wall, relief, atmosphere.
« Plastic Wall est une série sur une matière devenue omniprésente — au point de se rendre invisible. Le plastique n’est plus seulement un objet : c’est une infrastructure silencieuse, un filtre posé sur le monde. Je photographie des paysages ordinaires — prairies, lisières forestières, pâturages — puis j’interviens directement sur ces tirages avec des couches de plastique : bâches, films, toiles translucides. Ces plastiques ont été collectés, sélectionnés pour leur opacité, leur texture, leur capacité à altérer la lecture de l’image sans l’effacer totalement. Plastic Wall parle d’un processus global : l’envahissement progressif de cette matière dans tous les registres du vivant. Le plastique est dans l’eau que nous buvons, dans les micro-particules que l’on respire, dans les sols agricoles, dans le lait maternel, les poissons, les organismes les plus profonds de l’océan. Il est partout.
Mon geste artistique mime cette infiltration : je recouvre l’image, je floute la vision, je pose une couche de matière qui brouille. Ce voile plastique, c’est une barrière entre le regard et le monde, un mur mou, neutre en apparence, mais chargé d’effacement et de mémoire. Ce travail n’est pas une illustration. C’est une tentative de faire ressentir ce que la science nous dit déjà. C’est aussi une forme de résistance : donner forme à l’informe et obliger à voir ce qui reste, ce qui passe, ce qui s’étale. »
"Plastic Wall is a series about a material that has become ubiquitous—to the point of becoming invisible. Plastic is no longer just an object: it's a silent infrastructure, a filter placed on the world. I photograph ordinary landscapes—meadows, forest edges, pastures—then I directly apply layers of plastic to these prints: tarps, films, translucent canvases. These plastics were collected and selected for their opacity, their texture, their ability to alter the interpretation of the image without completely erasing it. Plastic Wall speaks of a global process: the gradual invasion of this material into all forms of life. Plastic is in the water we drink, in the microparticles we breathe, in agricultural soils, in breast milk, and in the deepest organisms of the ocean. It is everywhere. My artistic gesture mimics this infiltration: I cover the image, I blur the vision, I place a layer of material that blurs. This plastic veil is a barrier between the gaze and the world, a soft wall, neutral in appearance, but charged with erasure and memory. This work is not an illustration. It is an attempt to make us feel what science already tells us. It is also a form of resistance: giving form to the formless and forcing us to see what remains, what passes, what spreads out." L.K
INSTALLATIONS
X-Ray
Blue Blinder
Trap
"Mes installations dressent des surfaces — bâches, membranes, volumes — qui ne montrent pas, mais dévoilent. Mon travail est avant tout plastique. J’utilise le matériau comme point de départ : bâches, tissus, membranes synthétiques. Je les tends, les gonfle, les projette. Je cherche à faire vibrer la surface, à la rendre vivante. Chaque installation est une tension entre le geste et la matière — une exploration de ce que le plastique peut faire voir, faire entendre, faire ressentir. Il transforme le paysage en image altérée, en expérience sensorielle.
C’est dans le mouvement, la lumière, la couleur que le propos surgit. Le plastique est mon langage : discret, souple, persistant. Il est à la fois matière et symptôme.
À travers ces œuvres, je propose une contemplation troublée. Une beauté instable. Une invitation à regarder autrement ce que nous croyons intact."
My installations construct surfaces—tars, membranes, volumes—that don't show, but reveal. My work is above all visual. I use the material as a starting point: tarpaulins, fabrics, synthetic membranes. I stretch them, inflate them, project them. I seek to make the surface vibrate, to bring it to life. Each installation is a tension between gesture and material - an exploration of what plastic can make people see, hear and feel. Transforming the landscape into an altered image, a sensory experience.
It's in movement, light and color that the subject matter emerges. Plastic is my language: discreet, supple, persistent. It is both material and symptom.
Through these works, I propose a troubled contemplation. An unstable beauty. An invitation to look differently at what we believe to be intact." LK
CURTAIN
Cette série présente une confrontation entre deux registres de matière : l’image imprimée d’environnements dégradés par l’activité humaine et l’intervention manuelle d’un tissage de laine appliqué directement sur la surface photographique comme un voile. Cette série fonctionne par accumulation : chaque pièce est autonome et fait écho aux autres. L’ensemble crée une cartographie critique de notre rapport à la trace, à la responsabilité et à la mémoire écologique.
Le point de départ est documentaire : chaque photographie est issue d’un repérage sur le terrain, avec un souci de captation brute. Aucune retouche colorimétrique n’est effectuée. Ces paysages sont montrés tels quels, en assumant leur caractère désagréable, souvent ignoré, exclu du champ visuel de la société. Le plus souvent, sur ces images s’inscrit un travail de tissage à la laine, réalisé à la main, selon une grille plus ou moins régulière. La laine utilisée est choisie selon une logique de contraste ou d’harmonisation avec l’image sous-jacente. Dans certains cas, la trame textile est tendue comme un rideau ; dans d’autres, elle semble obstruer ou souligner certaines zones de l’image. Que cherchons-nous à dissimuler ? Le textile joue sur l’ambiguïté : est-ce un voile pudique, un camouflage, une forme de soin ou d’oubli ? Le geste du tissage, par sa lenteur et sa charge symbolique (tradition, réparation, domestique, répétition), agit comme un contrepoids critique à la rapidité et à la brutalité des transformations humaines des paysages.
This series presents a confrontation between two registers of material: the printed image of environments degraded by human activity and the manual intervention of a wool weave applied directly to the photographic surface like a veil. This series functions by accumulation: each piece is autonomous and echoes the others. Together, they create a critical cartography of our relationship to trace, responsibility and ecological memory.
The starting point is documentary: each photograph is the result of fieldwork, with the intention of capturing a raw image. No color retouching is used. These landscapes are shown as they are, assuming their unpleasant character, often ignored, excluded from society's visual field. More often than not, these images feature hand-weaving with wool, in a more or less regular grid.The wool used is chosen to contrast or harmonize with the image being covered. In some cases, the textile weave is stretched like a curtain; in others, it seems to obstruct or emphasize certain areas of the image. What are we trying to hide? Textiles play on ambiguity: are they a modest veil, a camouflage, a form of care or oblivion? The gesture of weaving, with its slowness and symbolic charge (tradition, repair, domesticity, repetition), acts as a critical counterweight to the speed and brutality of human transformation of landscapes.














